« Mouton Noir » : les racines de l’identité

L’idée est on ne peut plus originale : raconter une quête identitaire à travers l’histoire des… cheveux. Ceux, crépus, de Thomas Mauceri, fils d’une Française et d’un Congolais. Mouton Noir, son premier documentaire, tire les fils de ses questionnements en Bretagne, à Paris, aux États-Unis et en Afrique.

« Mouton noir » — Photo Vivement Lundi ! / TV Rennes

« Mouton noir » — Photo Vivement Lundi ! / TV Rennes

Parmi toutes les discriminations dont ont souffert (et souffrent parfois encore) les Noirs aux États-Unis, saviez-vous qu’à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle il était interdit aux femmes de montrer leurs cheveux ? Ce n’est pas la moindre des choses que l’on apprend dans le passionnant film du Breton Thomas Mauceri, bien que parfois redondant et souffrant d’un évident problème de rythme. « On nous a poussées à cacher l’attrait de notre chevelure », raconte l’imposante (au propre comme au figuré) patronne du salon de coiffure de Baltimore où le réalisateur a posé sa caméra. Un pays qu’il connaît pour y avoir étudié le cinéma quelques années plus tôt.

Les murs du salon sont constellés d’affiches des luttes pour les droits civiques et pour l’émancipation des Noirs. Véritable historienne et sociologue du cheveu, la coiffeuse explique comment la coiffure des Noirs se développe en parallèle à leurs revendications identitaires : défrisage et recherche des cheveux raides pendant longtemps, puis retour aux cheveux crépus, développement des coupes afros et des dreadlocks à partir des années 1960. Véritable militante, elle organise même un marathon des locks pendant les fêtes de Noël. « Faire des locks c’est s’engager. […] Aujourd’hui, on peut garder nos cheveux naturels et conserver des métiers qualifiés. »

Pour un coiffeur français spécialisé dans les coiffures de Noirs, le voyage aux États-Unis est aussi un passage obligé. Celui interrogé par Thomas Mauceri y est allé étudier les « cheveux négroïdes », ainsi qu’en Angleterre. Il pointe les carences du système pédagogique français d’enseignement de la coiffure où cette discipline n’est qu’une option complémentaire : « Tout le monde rechigne, freine des quatre fers ». Dans le Finistère, où Thomas Mauceri plaisante avec deux bigoudènes qui ne sont jamais allés se faire couper les cheveux, la coiffeuse reconnaît que c’est surtout en pleine saison qu’elle a des clients avec des cheveux crépus. La situation est diamétralement opposée au Congo, où une coiffeuse avoue que les Blancs ne viennent pas chez elle parce que « ce n’est pas leur milieu ». Heureusement chez « Pauline Coiffure, soins esthétiques » à Brazzaville, « le salon se remplit selon la volonté de Dieu », surtout le samedi, jour des cérémonies (mariage, baptême, enterrement et même retrait de deuil !).

« Mouton Noir » est à voir le dimanche 28 juin 2009 aux Rencontres du film documentaire de Mellionnec (22), et le vendredi 10 juillet à 21h au cinéma l’Eckmühl de Penmarc’h (29).
Disponible également en DVD chez Vivement Lundi
À retrouver dans la série : Rencontres du film documentaire de Mellionnec
Éric Prévert