Coup sur coup, le directeur de l’Espace Glenmor de Carhaix a été licencié, et le budget du Théâtre du Pays de Morlaix s’est vu amputer de 40 %. La mairie de Carhaix est à gauche, celle de Morlaix à droite : à défaut d’autre chose, l’inconséquence politique est bien partagée. N’y a-t-il que les élus pour ne pas voir ce qui se passe d’intéressant dans leurs villes ?
Glaciale fin d’année dans le Finistère. Le climat n’est pas en cause, mais les décisions incompréhensibles de deux maires. À Carhaix, Christian Troadec vire Daniel Thénadey, directeur de l’Espace Glenmor depuis son ouverture en 2001. L’intéressé, convoqué une semaine avant Noël pour le renouvellement de son contrat de travail, se voit notifier que sa collaboration s’arrêtera le 31 décembre. On est en plein milieu de saison et il reste six spectacles à accueillir ? Tant pis, la municipalité se débrouillera : « On peut faire sans » un directeur artistique, déclare sans rire le maire au Télégramme (30 décembre). À Morlaix, Agnès Le Brun supprime 40 % de la subvention annuelle du Théâtre du Pays de Morlaix. Le directeur, René Peilloux, s’inquiète de ne plus pouvoir faire fonctionner le théâtre après le 31 mai ? Tant pis, il faut faire des économies.
Ni le maire de gauche (Verts-UDB-gauche alternative) de Carhaix, élu en 2001 et réélu cette année, ni la maire divers droite de Morlaix, élue au printemps, ne reprochent aux salles qu’ils financent un échec public ou artistique. Christian Troadec évoque certes sur Libérennes un différend sur la programmation, mais on y perçoit surtout la conclusion d’une rivalité de personnes, et la volonté de se débarrasser d’un lieu de culture pour en faire un centre de congrès rentable. Agnès Le Brun, elle, se justifie par l’endettement de la ville et le fait que le théâtre devrait être du ressort du Pays et non de la commune, mais on peut douter que commencer par asphyxier financièrement une structure soit un préalable de bonne foi pour entamer une négociation sur son avenir.
Dans les deux cas, le résultat est la mise en danger de propositions artistiques originales (l’Espace Glenmor est orienté vers les musiques du monde, le Théâtre du Pays de Morlaix accueille spectacles et créations exigeants), et de lieux qui avaient su impulser une dynamique dans des territoires qui se plaignent souvent à juste titre d’être délaissés.
Loin de nous l’idée de signer un chèque en blanc à Daniel Thénadey et René Peilloux, que nous ne connaissons d’ailleurs pas personnellement : peut-être ont-ils fait des erreurs. Mais encore faudrait-il les leur reprocher, et qu’on sache de quoi l’on parle. À en juger par la qualité de la programmation des salles dont ils ont la charge — et c’est bien l’essentiel, non ? —, nous ne pouvons que les assurer de notre soutien.