Les textes lauréats du concours « Critique sur court »

Chaque année, Court Métrange, le festival européen du « court-métrage insolite et fantastique » propose aux collégiens et lycéens d’Ille et Vilaine de se livrer au difficile exercice de la critique de cinéma. Voici les textes des lauréats de cette nouvelle édition du concours « Critique sur Court ».

Premier prix collèges 2008

« Super rat »
par Euan Mounier, 3e A, Collège de La Roche aux Fées, Retiers

Court-métrage « Ratrix Hero »

Plongé dans un univers pareil à celui de Matrix, l’élu a cette fois-ci l’apparence d’un rat et les agents sont des chats. Le héros va tout faire pour échapper tout en tentant d’aider son prochain. C’est un film d’action et d’animation en 3D de Raphaël Hernandez et Saviti Joly-Gonfard.

L’univers est celui de Matrix, le style du héros sont les lunettes noires et un imperméable noir qui fait un look qui n’a rien à envier à Néo surtout lorsqu’il adopte les mêmes attitudes. Bien que le héros soit un rat, son charisme et sa prestance en imposent. Pour les agents qui le pourchassent (les chats), ils sont tout aussi classes et intimidants.

En ce qui concerne les décors, on retrouve quelque chose qui ressemble à la scène finale de Matrix Révolution. Il fait noir, il pleut, les rues étroites sont vides et angoissantes, le tout entre des immeubles qui montent jusqu’au ciel.

La correspondance avec Matrix ne s’arrête pas là, c’est dans la réalisation même que l’on retrouve le style des frères Wachowski. Les mouvements de caméra offrent une dynamique incroyable au film, une sensation de vitesse nous est donnée grâce aux larges panoramiques, travellings et ralentis.

D’un point de vue technique, les auteurs ont allié image de synthèse et stop-motion. Tous les personnages ont donc été réalisés en pâte à modeler et intégrés dans des décors en image de synthèse. Ce sont deux styles très différents qui viennent alors se mêler, cela apporte alors un style unique. Les images de synthèses sont particulièrement soignées et les auteurs n’ont pas lésiné sur les effets, entre pluie, fumée et explosion.

Cette parodie de Matrix dénonce les films d’animation hollywoodiens et le caractère des supers héros américains et leur super puissance.

Deuxième prix collèges 2008

« Innocents ratatinés »
par Léa Troué, 3e M, Collège Anne de Bretagne, Rennes

Non, ce n’est pas seulement un rat au nom flatteur, c’est un « hero ». Ratrix vous en donnera la preuve dans cette animation « Ratrixhero », tournée une nuit d’orage dans une ville parsemée de gratte-ciels.

S’imbibant du monde de Matrix, Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard mettent ici en scène un rat traqué par de mystérieux agents qui veulent sa peau.

Les premières images nous plongent instantanément dans un univers sombre et glacial ; une ruelle obscure, un chat qui miaule, une sirène qui retentit. On est en haleine.

Lorsque, un bras levé vers le ciel et les oreilles abaissées, Ratrix décolle en un bond stupéfiant, on en est sûr : c’est notre être (sous-disant) tout-puissant.

Le « hero » en pâte à modeler a sorti sa panoplie ; imperméable (normal pour un soir de pluie) noir et lunettes noires. Ses mouvements sont vifs et bien représentés par le scénariste.

Tous les personnages sont en pâte à modeler et très bien réussis. Même s’ils ne parlent pas, on sent leurs caractères très affirmés. Ils confirment l’atmosphère sombre du court-métrage. L’un d’eux pourtant vient mettre de la couleur dans ce monde hostile : l’oiseau orange. Installé avec ses œufs sur une antenne, il n’est pas à l’abri d’un « coup de vent »…

Survient alors un passage teinté d’humour. À la suite d’un fâcheux accident, un œuf tombe. Heureusement, Ratrix est là et va tout faire pour le rattraper, mais il n’est décidément doué que pour enchaîner les gaffes…

Cette animation est sans ratures mais avec beaucoup de ratés de la part de Ratrix… Les réalisateurs ont créé un court-métrage où l’humour noir, la violence et la mort ont la première place.

Les mouvements de la caméra sont fluides mais permettent pourtant de disposer d’une grande richesse d’actions, si bien que l’on se trouve absorbé par l’aventure.

Même si les créateurs ont emprunté l’univers de Matrix, ils ont réussi à mettre en scène une animation qui leur est propre et qui est originale. Il y a peut-être un manque de cohérence entre l’apparition des agents et l’épisode avec l’oiseau, mais on peut espérer que c’est un choix qui nous sera dévoilé dans une suite qui s’impose…

Voilà un court-métrage qui ratifie le talent des réalisateurs et où « le libérateur mythique de l’humanité » est bien modelé mais à qui il manque (les créateurs ont raison) le « s » du savoir-faire pour en faire un véritable héros.

Premier prix lycées 2008

« Sans coup fait rire ! »
par Claire Fournier, 2nde G, Lycée Sévigné, Cesson-Sévigné

Quoi de plus étrange que de voir se transformer en marionnette un être humain tout ce qu’il y a de plus normal ? Normal, ce maître-nageur qui rêve de découvrir l’océan ne l’est peut-être pas, mais il est incontestablement drôle !

Une équipe de chercheurs va étudier le problème de Raymond en se basant sur trois types de déplacements : translation, lévitation, rotation ; puis en les testant sur Raymond. Le maître-nageur va se retrouver dans toutes sortes de situations plus cocasses les unes que les autres, au gré des expériences des scientifiques qui vont tâcher d’imiter toutes sortes de déplacements classiques sur leur cobaye, offrant ainsi une série de scènes qui feraient sourire même le plus insensible.

Dans Raymond, le réalisateur, Bif, traite le sujet de la « cobayisation » avec un humour à toute épreuve. Dans un monde ou les expériences sur des cobayes sont assez répandues ; retournant la situation : et si l’espèce humaine faisait elle aussi l’objet d’expériences ? Certaines scènes presque inhumaines sont tellement tournées au ridicule qu’elles en deviennent hilarantes. En effet, le personnage de ce court-métrage est réduit à l’état de pantin, et n’est d’ailleurs guère mieux traité.

Traité avec un humour assez noir, très anglais, le cas de Raymond fait ressortir tout l’étrange de la situation, qui pourrait paraître cruelle sans la dose d’humour de rigueur. Grâce au commentaire oral froid et scientifique qui suivra les expériences réalisées sur le maître-nageur tout au long des cinq minutes de ce court-métrage pour le moins original, Bif crée un surprenant contraste. À noter parmi tous les éléments de ce film, la façon dont il est tourné : Raymond est visiblement un être humain, alors comment le film est-il réellement fait ? Caméras ou montage par informatique ? On en retire en tout cas un intérêt esthétique, et une question de plus à notre actif.

Dans cette séquence, Bif nous régale d’une joyeuse mêlée de scènes désopilantes, se précipitant dans l’exact contraire de ce que l’on aurait pu attendre d’un tel film, prenant le contre-pied parfait d’un sujet que l’on peut juger au premier abord choquant.

Un court-métrage qui conduira le spectateur de surprises en surprises, et qui ne manquera pas d’amuser les plus jeunes comme les plus âgés ; tout en les faisant réfléchir.

Conseillé à ceux qui veulent retrouver le sourire… jaune !

Deuxième prix lycées 2008

« Un conte moral à l’humour noir »
par Guillaume Nevo, 2nde G, Lycée Châteaubriand, Rennes

Rien à faire, la petite Airelle ne veut pas aller se coucher. Pour enrayer toute tentative de mutinerie infantile, le papa invente le personnage de Monsieur Méchant, croque-mitaine planqué sous les lits des enfants capricieux qui prend un malin plaisir à dévorer tout cru les marmots récalcitrants. La nuit tombée, une ombre apparaît dans la chambre…

Monsieur Méchant, court-métrage signé Fabrice Blin, est l’un des films à succès des festivals de court-métrage de cette année. Grâce à ses sept minutes trente, son réalisateur nous présente un conte fantastique à l’humour noir et grinçant partant de l’éternelle figure du croque-mitaine. Fabrice Blin déstructure habilement ce mythe pour lui faire adopter un style particulier. Recourant à une symbolique précise lui permettant une suggestion efficace, les rôles s’inversent, la mythologie est bouleversée, les repères s’effondrent et le message se déverse avec une violence déroutante et une grâce picturale impressionnantes, renvoyant aux thèmes psychanalytiques traditionnels : la lutte entre le monde des adultes et celui des enfants…

De l’apparition de Monsieur Méchant dans la pénombre et dans les bruits terrifiants de haches aiguisées et de martèlements de pas lourds, jusqu’au massacre sanguinolent du père tué pour avoir appelé sa maîtresse, Fabrice Blin démontre ici son savoir-faire de réalisateur notamment aux nombreuses séquences plongeant le spectateur dans une ambiance de film d’horreur, ainsi qu’à une esthétique de l’image poussée dans les moindres détails comme le masque du croque-mitaine, particulièrement travaillé. Un jeu des acteurs crédible et une musique qui appuient l’histoire concourent à l’horreur et au désarroi du spectateur face à un conte où rien n’est laissé au hasard.

Même si ce conte paraît à première vue distrayant, il cache une vraie valeur morale transmise avec beaucoup d’adresse par la réalisation de Fabrice Blin.

La rédaction