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La Gross Lola à la rescousse du « Cri de l’Ormeau »

L’agenda culturel des Côtes-d’Armor lance, sur son site internet, la Gross Lola, une opération de parrainage à but « ludique et lucratif » : développer un « tourisme expérimental » tout en renflouant les caisses du journal.

Qu’est-ce qui buzzera sur vos tablettes demain ? Quel événement fera l’actualité de ce neuf septembre deux mille neuf, ce 9/9/9 à propos duquel les numérologues de tout poil doivent tirer des plans sur la comète depuis quelques lustres au moins ? Les neuf millions de la cagnotte du Loto ? Lettonie-Suisse, match qualificatif pour la coupe du monde de football 2010 ? La réédition remastérisée des albums des Beatles, qui sort demain mais dont tout le monde parle aujourd’hui (car un bon journaliste court devant l’info, et pas derrière…) ? Dans les Côtes-d’Armor, on est certes plus modeste que les majors du disque, mais l’initiative du Cri de l’Ormeau pourrait s’avérer bien plus originale que celle des ayants-droits des quatre garçons dans le vent.

La Gross Lola, carte d’annonce du lancement

Modeste, le projet de l’agenda culturel costarmoricain l’est assurément : ce qui sera révélé aux yeux du monde le 9/9/9 à 9h09 précises n’est après tout qu’une page internet ajoutée à son site [1]. Qu’y verra-t-on ? La Gross Lola [2], ou Grille d’Opérations de Sponsoring des Longitudes et Latitudes des Côtes-d’Armor, est une carte du département découpée en 1720 petits carrés de quinze pixels de côté, représentant des parcelles de quatre kilomètres carrés. À l’image de la Million Dollar Homepage [3], créée en 2005 par un étudiant américain, l’objectif est de vendre, ou plutôt de louer, chacune de ces parcelles aux internautes désireux de soutenir le journal (il en coûtera douze euros par an et par parcelle). Jusqu’ici et excepté l’échelle de l’entreprise, peu de différence entre la réédition du catalogue des Beatles et le lancement de la Gross Lola : le but premier est lucratif. Il s’agit de faire rentrer quelques deniers dans les caisses de l’association Art Spec, qui édite Le Cri de l’Ormeau. Lequel avait fêté en janvier son centième numéro et ses dix ans d’existence au cours d’une semaine de fêtes [4] qui furent certes belles, mais qui ont également laissé un déficit de… neuf mille euros (d’où la symbolique du chiffre 9). Si les opérations se déroulent bien, il sera possible d’effacer cette dette, voire d’investir dans l’avenir.

Mais la Gross Lola ne tient pas qu’à son bas de laine : elle est, selon le directeur de la publication Patrice Verdure, aussi ludique que lucrative. Dans un premier temps, un clic sur une parcelle permettra d’afficher le logo et un lien vers le site internet du géréreux sponsor, ainsi qu’une vue aérienne, empruntée à GoogleMaps, de la zone ainsi subventionnée. Dans un deuxième temps, il sera possible d’enrichir les données la concernant, afin d’alimenter la partie « Découverte insolite des Côtes-d’Armor » du site du Cri de l’Ormeau. À terme, la Gross Lola ambitionne rien moins que devenir une ressource indispensable au « tourisme expérimental » que ses géniteurs appellent à créer dans le département. Pour y parvenir, ils aimeraient, avec l’aide de tous ceux qui pourraient s’y intéresser (potentiellement, cela fait du monde !), créer une antenne locale du Latourex [5], l’officieux Laboratoire de tourisme expérimental du Strasbourgeois Joël Henry qui, dans la tradition de Georges Perec et de l’Oulipo, propose des modes de tourisme à contraintes (le donquichottourisme consiste à se rendre dans toutes les communes qui s’appellent Moulins, l’expédition au K2 à explorer la case d’une carte dont les coordonnées sont « K, 2 », etc.). La Gross Lola en serait autant le centre que la périphérie, le point de départ que la destination de tous les chemins encore à tracer.

La Gross Lola, ouverture le 9 septembre 2009 à 9h09 sur cridelormeau.com [1]. Chaque parcelle de quatre kilomètres carrés coûte douze euros par an. La location est ouverte aux particuliers comme aux professionnels, à l’exclusion des partis politiques.