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« Pour Elle » : L’art de la pensée télégénique

Avec un titre pareil, on pouvait s’attendre au pire : un polar simpliste bourré de sentimentalisme niaiseux. Ce n’est pas le cas. Le réalisateur Fred Cavayé évite les écueils outranciers, mais son premier long-métrage se révèle propret et politiquement correct, idéal pour conquérir un public fidèle au film du dimanche soir sur le petit écran.

Lisa (Diane Kruger) et Julien (Vincent Lindon) forment un couple modèle. Très amoureux, ils mènent une vie apparemment tranquille avec Oscar, leur petit garçon en bas âge. Mais le bonheur s’écroule un jour à l’heure du petit-déjeuner, quand la police vient arrêter Lisa soupçonnée de meurtre. Elle écope de vingt ans de prison pour un crime qu’elle n’a pas commis. Par amour, Julien décide de la faire évader…

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Vincent Lindon dans « Pour Elle »

Avec Ne le dis à personne en 2006, Guillaume Canet a lancé la mode de la romance/polar à la française où comment une histoire d’amour dilue l’intrigue policière, qui passe au second plan au profit de la relation homme/femme. Fred Cavayé marche sobrement sur ses pas. Se déleste d’une réalisation trop clinquante. Mais manque de souffle et d’amplitude et reste convenu et haletant ce qu’il faut pour contenter un public télévisuel.

Qu’est-ce qu’un long-métrage destiné au petit écran ? Un produit à faible valeur artistique (qui privilégie le fond au détriment de la forme) basé sur l’affect, le joli, avec une morale propre à ne pas choquer la vox populi et qui ne perd rien en termes d’images en changeant de format. Pour Elle remplit de manière idoine ce cahier des charges. La mise en scène sert l’histoire, axée sur les sentiments. Un homme amoureux, citoyen sans problème, se transforme en criminel, une femme injustement accusée perd pied, et un enfant est privé de sa mère (pas mieux qu’un enfant pour ajouter la petite note attendrissante). Avec quelques incohérences pour satisfaire au fil rouge conducteur : jusqu’où peut-on aller pour sauver la femme qu’on aiiiiimeeeee ?

Vincent Lindon et Diane Kruger sont investis des missions de leurs personnages jusqu’au-boutistes (Lisa incarcérée, prend encore le temps de s’épiler les sourcils alors qu’elle ne veut plus vivre !). Quant à la morale, elle est sauve. Si Julien sacrifie arbitrairement deux hommes (dealers issus de l’immigration !?) pour mettre son plan à exécution, il n’abattra aucun policier lors de l’évasion le flingue à la main… Qu’il bafoue les lois et la justice au nom de l’amour et de la reconstruction du foyer familial chacun le comprendra mais qu’il s’en prenne à la police, voilà un acte qui risquait de choquer notre société rompue au tout sécuritaire et un pas que Fred Cavayé n’ose franchir… même pas pour elle !