À l’orée de la saison des festivals, coup de gueule contre la tendance généralisée à monter le volume. On ne va pas au concert pour en ressortir sourd !
Voici l’été revenu, et avec lui le temps des festivals (musicaux en l’occurrence). Le grand Ouest est particulièrement bien doté, à tel point qu’il faudrait une santé de fer, un nombre de jours de congé indécent et un portefeuille bien garni pour espérer profiter de chacun d’eux. Par chance, les programmations se ressemblent toutes ou presque, ce qui nous épargne trop de regrets… Reste tout de même une question, essentielle s’il en est : qui sera le plus fort cette année ? Je ne parle pas de qualité de la programmation, encore moins de chiffres de fréquentation, mais bien de volume sonore.
Cela fait une bonne quinzaine d’années que j’arpente concerts et festivals. Il y a eu des hauts et des bas, des déceptions et des joies toujours pas éteintes des années après. Il y a aussi une constante : chaque année, c’est un peu plus fort. Impossible aujourd’hui de prétendre vouloir passer un, deux ou trois jours dans l’ambiance d’un festival sans emporter ses bouchons d’oreille. Ou sans en demander à l’accueil ou au stand de prévention, qui en distribuent à la pelle. Heureusement ! Car il serait très instructif de mesurer le niveau sonore en sortie des enceintes des scènes de nos grands et moins grands festivals. À combien se monte-t-il ? 110, 115, 120 décibels (dB(A)) ? Beaucoup plus, en tout cas, que le seuil de risque de 90 dB(A). Plus également que la limite autorisée dans l’enceinte des salles de concerts et discothèques (105 dB(A) en moyenne), et à laquelle une exposition hebdomadaire supérieure à 45 minutes provoque des lésions définitives. Et pas loin, si ce n’est parfois au-dessus, du seuil de douleur, 120 dB(A).
Tel est le dilemme auquel les festivaliers se retrouvent confrontés : espérer vivre les concerts à fond et s’assurer des dégâts auditifs irréparables, ou bien porter des bouchons et ne plus entendre qu’une bouillie sonore indigne. Du côté des organisateurs, on n’a pas vraiment l’impression que cette question soit prise au sérieux. Il n’y a d’ailleurs pas de réglementation sur les concerts en plein air. Paradoxe des paradoxes : le légitime souci de santé publique a abouti au décret du 15 décembre 1998, qui a mis à mal les lieux les plus fragiles (quand on sait qu’une caisse claire non amplifiée dépasse facilement les 105 dB(A), on comprend les difficultés, et on partage le dépit de ceux qui ont dû renoncer à faire vivre des cafés-concerts), mais qui n’a rien prévu pour les rassemblements les plus fréquentés par les publics les plus divers (en particulier les enfants, dont les oreilles souffrent encore plus que celles de leurs parents).
Du côté des partenaires des festivals, en particulier les pouvoirs publics, silence radio là aussi. On s’achète une bonne conscience en sponsorisant la distribution des bouchons, et après ? Faudra-t-il attendre des plaintes de spectateurs souffrant d’acouphènes ou de pertes auditives précoces pour prendre conscience de ces problèmes ? Quelle sera alors la responsabilité des organisateurs et des financeurs ? Ne serait-il pas plus simple de baisser le volume ? En plus, le son serait meilleur…
NB : Signalons tout de même l’action de l’association Agi-Son, qui fait ce qu’elle peut pour que les choses avancent. Elle édite notamment un petit dépliant contenant infos pratiques et conseils de protection (téléchargeable ici).